SCENEWEB.FR / 18 décembre 2019

LES DIABLES

La révolte des Diables


Aux commandes de la Compagnie de l’Oiseau-Mouche, Michel Schweizer cherche à confronter, dans un mélange d’humour et de gravité, les spectateurs à la différence. Une proposition aussi salvatrice dans son principe qu’inaboutie dans sa réalisation.

La rencontre entre Michel Schweizer et la Compagnie de l’Oiseau-Mouche ne pouvait aboutir qu’à un spectacle hors norme, à bien des égards. Depuis 20 ans, le metteur en scène, aujourd’hui invité par la troupe de comédiens en situation de handicap mental, explore les marges de la création, développe un art inclassable, à la lisière des territoires chorégraphiques, plastiques et théâtraux. Il ne fallait pas attendre de lui une proposition bon teint, fondée sur une pièce classique, où ses acteurs particuliers auraient cherché à atteindre les canons de la norme théâtrale pour satisfaire des spectateurs confortablement installés dans leurs certitudes. Au gré d’un geste osé et salvateur à la fois, Michel Schweizer a fait tout le contraire. Il a affirmé et revendiqué la différence de cette troupe pour y confronter le public, et l’obliger à regarder l’Autre dans les yeux.

(…)

Dans un climat de rébellion contre le système – capitaliste, étatique, religieux –, ces beaux Diables prennent alors, dans un mélange d’humour et de gravité, le pouvoir sur scène. Leur présence, aussi particulière qu’engagée, volontaire qu’affirmée, les replacent au centre du jeu et donne naissance à un patchwork scénique tout droit sorti d’une réalité alternative. Dans la poétique qu’il dégage, émaillée par quelques fulgurances, ce monde d’un autre type sait se faire, parfois, plus clairvoyant que celui d’un quotidien bien sous tous rapports. En ce sens, le pari de Michel Schweizer, soutenu par une excellente création musicale et le sens aigu des lumières d’Eric Blosse, fonctionne par la déstabilisation qu’il provoque. La différence des corps, des attitudes, des pensées, et même d’une certaine conception de la société, se révélant capable de bousculer les certitudes.

Vincent BOUQUET