LES ÉCHOS / 3 décembre 2013

CARTEL

L’émouvant hommage à la danse de « Cartel »

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C’est dans les environs de Bordeaux, au Cuvier d’Artigues, que le public de Novart a pu voir un rare hommage à la danse, « Cartel », création de Michel Schweizer, un habitué de l’agit-prop en scène. Pour cette création, il a réuni une ancienne étoile de l’Opéra de Paris, Jean Guizerix, une chanteuse, Dalila Khatir, un espoir de la danse classique, Romain di Fazio, entre autres. Schweizer convoque à la fois les souvenirs de Guizerix et la mémoire de son corps. Lorsque ce dernier esquisse une chorégraphie des mains ou quelques pas volés à Merce Cunningham, c’est superbe. Guizerix fut un danseur de grande classe – il a pris sa « retraite » de l’Opéra en 1990, enseigne aujourd’hui – avec un esprit ouvert. Il raconte durant « Cartel » sa visite au maître américain Cunningham, le retour en bateau à bord du « France » avec sa femme, la ballerine Wilfride Piollet, et son impression d’avoir changé à tout jamais.
De l’intime au spectaculaire
Face à lui, et c’est là tout le génie de Schweizer, le jeune interprète qu’est Romain di Fazio veut comprendre… On passe alors de l’intime au spectaculaire, comme dans cette séquence finale où le jeune danseur s’épuise en pirouettes et autres grands jetés sur un air aux consonances électroniques loin des partitions du ballet. « Cartel » ne manque pas d’humour même si, parfois, la gravité affleure. On pense à cette révélation sortie de la bouche de Michel Schweizer, qui donne des nouvelles d’une autre étoile de l’opéra, Cyril Atanassoff, juste blessé avant les représentations de Novart. « Cartel » n’est pas sans faiblesses – bavard en diable notamment. Mais il se dégage de l’ensemble un vrai amour de la danse, du corps en scène comme du corps en souffrance. Idéal en ces temps moroses.

Philippe Noisette