THE DEVILS

Conception, stage design and direction Michel Schweizer

Creation
13, 14, 15 march 2019
Théâtre de l’Oiseau-Mouche dans le cadre du Festival Le Grand Bain – Le Gymnase CDCN de Roubaix

When I started the production with the seven actors, I had a strong feeling: I needed to meet them without a preconceived idea about what the form or what the final contents would be, and also not to force myself to use a work process already experienced in my many past collaborations. I only knew that I would commit to highlight the personalities and professional expertise while eluding the expectations they could generate… an intentional way to reduce the comfort and situation of the audience member.

I invited them to talk about the world, about their role, based on their sensitive abilities to notice what, in their social life, make them be or have to be among other things. Ultimately, it’s about locating the provisions of the world to give them a good life…

The self-actualization process adapted to their differences, didn’t force anything making sure to locate and learn the limits of each one of them, to understand and include the specificity of the rehearsal times.

While writing and creating the show I followed the human topography, there was nothing to expect, just letting happen what life wanted to express.

The result is an incisive, quirky, ironic speech uttered by singular beings in a confrontation that forces the audience member to accept the high intensity of the experience and the uneasiness created by their intimate relationship to the other.

Therefore, no fiction to counteract what life shows in it most brutal form. We face a sample of human beings identifiable by the part the play onstage and by the passion that drives them, the one about being the sensitive mirror of what sometimes lacks to our moral integrity: the necessary feeling of the need of the other.

In this period of dehumanization when the character of our coexistence seems a bit preoccupied, the encounter with the DEVILS holds the will bring some comforting, happy and welcomed virtue. Here the production reflects the world, the need to preserve the values of our human nature to accept the differences that enrich the coexistence of our earthly lives.

A diabolical experience that will thus shake anyone that shares it, like an ephemeral, temporary and valuable time of salvation.

Michel Schweizer – October 2019

A show by La Coma and Compagnie L’Oiseau-Mouche

With Jonathan Allart Marie-Claire Alpérine Jérôme Chaudière Dolorès Dallaire Thierry Dupont Florence Decourcelle et Frédéric Foulon

Artistic assistant Cécile Broqua
Scenography Éric Blosse / Michel Schweizer
Light design Éric Blosse
Sound design Nicolas Barillot
Vocal coach Dalila Khatir
Conception et training Marionnette Bérangère Vantusso
Puppet Einat Landais
Stage manager Jeff Yvenou
Assistant Caroline Decloitre
Thanks to Johann Daunoy, Justine Olivereau,
Gwendal Wolf

Production 2019 Compagnie L’Oiseau-Mouche
Coproducers
LA COMA, Le Gymnase | CDCN Roubaix dans le cadre du festival Le Grand Bain, La Villette – Paris, Les 2 Scènes, scène nationale de Besançon, Le Bateau Feu, scène nationale Dunkerque, Théâtre d’Arles, scène conventionnée art et création – nouvelles écritures, Théâtre Molière-Sète, scène nationale archipel de Thau, Le TANDEM, scène nationale Arras-Douai, MA scène nationale – Pays de Montbéliard et Le Phénix, scène nationale Valenciennes.

With the support of
CDN de Normandie-Rouen, Festival Art et Déchirure, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, scène nationale, Centre Culturel André Malraux – scène nationale de Vandoeuvre et de la Maison de la Culture d’Amiens.

Photo credit Frédéric Desmesure

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Les diables

Par Aïnhoa Jean-Calmettes
publié sur Mouvement.fr  le 28 nov. 2019

Invité à créer une pièce pour la compagnie de l’Oiseau-Mouche, le chorégraphe Michel Schweizer compose avec ses comédiens professionnels en situation de handicap mental une diabolique ode à la résistance et à la différence.

Michel Schweizer, toutes vos pièces partent de rencontres. Comment s’est déroulée celle avec les comédiens de la compagnie de l’oiseau-mouche ?

M. S. : « La relation et l’altérité m’intéressent, c’est mon moteur. Mes pièces partent donc de rencontres, intenses, qui portent la promesse d’être pour moi une véritable expérience. Le plus souvent, je ne suis pas sûr d’être capable d’aller jusqu’au bout de ces projets. En ce qui concerne l’Oiseau-Mouche, c’est Stéphane Frimat, l’ancien directeur, qui m’a proposé de venir y animer un stage. Faire un atelier avec vingt-trois comédiens, c’était trop pour moi, car je voulais être sûr de bien sentir où j’étais, de comprendre ces personnalités, comment elles fonctionnaient en groupe. Je suis venu trois fois (en 2016, 2017 et 2018) avant d’envisager la création des Diables. Il a alors fallu choisir sept comédiens seulement, et ça a été terrible. Le travail avec l’Oiseau-Mouche, a été vraiment très particulier, au point que je me suis demandé si je pourrais retravailler un jour avec des interprètes ordinaires. Ces comédiens ont un rapport au travail, au temps, à l’égo, vraiment singulier. Le degré d’humanité est tellement puissant chez chacune de ces personnalités.

Pensez-vous que le théâtre reste aujourd’hui un lieu intéressant pour explorer cette question de l’altérité ?

M. S. : « Le théâtre reste un lieu public où l’on est dans de très bonnes conditions de perception puisqu’on s’y extrait de notre quotidienneté et de la rumeur du monde. On y voit et l’on entend très bien, on a le temps de réfléchir. Ça m’intéresse de déplacer d’autres mondes dans ce lieu-là. Des adolescents par exemple, comme ça a été le cas avec Fauves, il y a quelques années. En voyant ces jeunes aussi vrais et décontractés, on a pu me demander : mais où est le travail ? C’est justement un énorme travail de parvenir à ça. Le théâtre tue l’authenticité. Ce lieu est insupportable pour cela : dès que l’on met le pied dans ce contexte, quelque chose se transforme.

Travailler avec des acteurs professionnels, comme ceux de l’Oiseau-Mouche, c’est finalement assez rare pour vous.

« Ça m’arrive. Et à chaque fois, je mesure à quel point il faut défaire des choses. Ils ont tellement de croyances arrêtées sur ce qui doit exister dans cet endroit qu’il faut les rassurer et leur dire : tu peux oublier le métier un peu. Lorsque l’on vient voir mes pièces, je n’ai pas envie que l’on vienne apprécier un savoir-faire. C’est surtout l’humain qui m’intéresse. Inversement, quand j’invite des non-professionnels dans mes spectacles, je dois m’assurer de bien me faire comprendre, qu’ils comprennent mes idées mais aussi les bénéfices et les intérêts qu’ils vont tirer de leur participation. En gros, je dois m’assurer de ne pas les instrumentaliser d’une manière ou d’une autre. C’est aussi la raison pour laquelle les personnes que je mets en scène ont toujours d’une manière ou d’une autre une pratique de l’exhibition, même si ce n’est pas sur les scènes d’un théâtre. Ils ont un savoir-faire au niveau du langage et de l’adresse.

Thierry Dupont, vous êtes comédien à l’Oiseau-Mouche depuis de nombreuses années. Toutes les pièces de la compagnie sont créées par des metteurs en scène ou des chorégraphes invités. Quelles ont été les spécificités du travail avec Michel Schweizer ?

T. D. : « Ça va faire 30 ans que je suis dans la compagnie et on va bientôt organiser une grande fête pour le célébrer. Avec Michel, on a beaucoup expérimenté. On a construit tous les éléments de la pièce comme des chimistes dans un laboratoire. Par exemple pour la musique, j’ai fait des recherches sur le bruitage et puis travaillé avec des pédales de guitare, des éponges, des petits objets, avant de les mélanger avec du son électronique. Pour le texte « les stupides » que je récite, c’est la même chose : c’est mon langage inventé, mes mots à moi. Ce texte et cette musique me racontent.

Qu’en est-il pour les partitions des autres comédiens ? Avez-vous écrit “avec”, “à partir” ou “pour” eux ?

M. S. : « J’ai travaillé avec chacun. Pour Florence Decourcelle, je ne trouvais pas au départ. C’est une vraie tragédienne, elle est très lyrique et très attachée aux grands textes de théâtre. Et puis je suis tombé sur ce livre de Paul Lafargue, La religion du capital. Elle récite donc une de ses « Prière capitaliste ». Marie-Claire Aléprine, je lui ai soumis un extrait d’Outrage au public et lui ai demandé de glisser ses idées entre les lignes, dans un format d’écriture identique à celui de Peter Handke. Puis je lui ai dit qu’à terme, ce serait bien qu’il n’y ait plus de Peter Handke du tout. Elle a réussi. Pour Dolorès Dallaire, la plus jeune, il y a encore un grand travail à faire, car elle est très encombrée au niveau du langage sur scène. Avec les éducateurs de la compagnie, nous continuons à chercher un moyen pour qu’elle soit plus tranquille dans l’adresse. La seule chose que j’ai écrite, c’est le texte projeté au départ et j’ai essayé de m’en expliquer auprès des comédiens, pour chacune de ces phrases.

p. D. R.

Pourquoi ce titre, les diables ?

M. S. : « Comme je leur ai dit, d’abord à eux, c’est qu’ils ont une présence sur scène complètement magnétique, presque diabolique : on ne les quitte pas des yeux. Et à des degrés divers, ils le savent très bien.

Dans Les Diables, la question du regard est centrale. Celle des comédiens entre eux, mais aussi les jeux qui s’instaure entre la scène et la salle.

T. D. : « Sur scène, on a chacun nos histoires mais on est aussi ensemble. C’est un spectacle où on est libres, on peut improviser, jouer, et le public joue avec nous, participe. Michel nous disait qu’il fallait emmener les spectateurs. Et que si on aimait le spectacle que l’on joueait, alors il plairait au public. J’adore quand on arrive à faire voyager les spectateurs. Mais ce que j’aime le plus, c’est quand on les fait rire.

M. S. : « Je dis toujours aux personnes qui vont apparaître sur scène dans mes pièces : ” il n’y a aucune raison que la collectivité d’anonymes qui est dans la salle s’autorise à vous regarder et que vous ne trouviez pas vous aussi l’espace de vous intéresser à eux “. Il faut considérer ces publics réunis là comme étant aussi un spectacle à observer. Cette diversité humaine qui se rassemble sans conséquence désagréable, sans degré d’hostilité, parce qu’il y a un centre émetteur au milieu – la scène – qui tient tout le monde, c’est quand même très bizarre… Je dis également souvent quelque chose de plus ardu aux interprètes : “vous n’êtes pas là pour vous donner en spectacle”.

Ce besoin que les regards circulent ne vous donne pas envie de sortir des théâtres ?

M. S. « Ce lieu m’insupporte beaucoup. J’y retourne parce que j’y ai toujours travaillé et que je trouve que malgré tout, le théâtre reste un lieu dans la cité incroyable où des anonymes se retrouvent pour consommer du vivant et pour sentir la réunion du vivant. Cette question du regard va au-delà de celle du théâtre. C’est ce que disait Marina Abramović après sa performance ultra connue à New York : beaucoup de gens sont malheureux, même s’ils tiennent. Et le plus souvent, c’est parce qu’on ne s’intéresse pas véritablement à eux, qu’on ne les regarde pas vraiment, qu’il n’y a pas de réel degré de reconnaissance. Aujourd’hui, la relation est très vite inquiétée, on n’a pas le temps et c’est terrible. »