LE MONDE / 20 novembre 2006

BLEIB

Ballet canin et critique sociale entre rire et colère

(…)
A la question de la communauté qui se désintègre, Michel Schweizer rétorque par ce collectif éphémère. A la vitesse, il répond par la lenteur. Au matraquage des images et à la gonflette marketing, il oppose une sévérité formelle à toute épreuve. Le plateau est vide, simplement animé par nos deux savants lascars et quadrillé par les courses des malinois, leurs poses sculpturales. A condition d’aimer un peu les chiens, la beauté plastique, presque menaçante, de Bleib opus #3 éclate. Sa tristesse souterraine transperce aussi la carapace de la mise en scène au cordeau. Ce désespoir pudique donne toujours aux spectacles de Schweizer, qu’il s’agisse de Kings (2000) ou de Scan (2003), une saveur unique, entre rire, colère et impuissance. Tout est question de nuance chez Michel Schweizer. Son ironie, insolente de lucidité, indique que rien n’est à prendre au pied de la lettre. Ne pas être dupe, là est en partie la solution. Tenter d’éviter par un esprit aux aguets les plombs multiples qui tentent de nous abattre, en voilà une autre.

Rosita Boisseau